Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/138

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quoy que toutes leurs conversations fussent interrompuës, & generales ; elles ne laissoient pas de luy donner tousjours quelque legere satisfaction. Mais enfin (pour ne vous arrester pas trop long temps sur cét endroit de mon recit) Artamene vescut avec tant de respect aupres de Mandane ; & elle connut si parfaitement, qu’il n’avoit pour elle que des sentimens pleins de vertu & d’innocence, qu’elle commença de n’esviter plus sa rencontre avec tant de foin : & de luy accorder quelquefois la liberté de luy dire combien il l’estimoit : sans oser neantmoins l’entretenir ouvertement de sa passion. Un jour donc qu’il estoit dans sa Chambre ; emporté par la violence de son amour, & voyant qu’il n’y avoit que Martesie aupres d’elle ; il la supplia les larmes aux yeux, de luy vouloir dire les veritables sentimens qu’elle avoit pour luy. Ce que vous me demandez (luy respondit elle fort obligeamment, & avec beaucoup d’esprit) n’est peut estre pas de si petite importance que vous pensez : & je ne juge point que je sois obligée de faire cette confidence à une personne qui ne m’a pas encore jugée assez discrette pour m’apprendre sa veritable naissance. Ha Madame, repliqua mon Maistre, que me demandez vous, & que voulez vous sçavoir ! Ha Artamene, luy respondit elle, que me demandez vous aussi, & que voulez vous apprendre ! Ce que je veux aprendre, Madame, repliqua-t’il, n’est pas de petite importance : car enfin je voudrois sçavoir, si vous me haïssez, si je vous suis indifferent ; ou si par bonheur vous auriez quelque legere disposition, à souffrir mon amour sans repugnance. Ce que je veux aprendre de vous, repliqua la Princesse, ne m’est guere moins important : car enfin puis que vous n’estes