Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/161

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vous donne, je contribueray à vostre bon-heur, autant que je le pourray, & que la bien-seance me le permettra. je vous assisteray de mes conseils ; je tascheray de descouvrir les sentimens du Roy ; je vous diray par quelle voye l’on pourroit peut-estre gagner Aribée, qui peut beaucoup sur son esprit : & je n’oublieray rien, de tout ce que raisonnablement je pourray faire, pour vostre satisfaction : si toutefois la loy de Capadoce n’est pas un obstacle invincible à vos desseins : & que la qualité d’estrangger, n’y soit pas incompatible avec celle de Roy. Mais apres cela, si tous vos foins & les miens font inutiles, il faudra (dit elle en changeant de couleur, ) se refondre à une separation eternelle : & il faudra absolument que la raison triomphe, de tout ce qui luy voudroit resister. Quoy, Madame, reprit Artamene, vous me bannirez, & me bannirez pour tousjours ? Attendez à vous pleindre, luy dit elle, que le temps en soit venu : & ne vous rendez pas malheureux, auparavant que de l’estre. C’est l’estre desja, repliqua mon Maistre, que de voir que vous estes capable de vous resoudre à me le rendre : car enfin. Madame, si j’estois dans vostre esprit, de la façon dont j’y pourrois estre, vous auriez un peu plus d’indulgence pour mon amour : & vous ne pourriez vous resoudre à perdre pour jamais un Prince qui vous adore, avec un respect sans esgal : & qui mourra infailliblement, dés qu’il fera esloigné de vous. Encore une fois, luy dit la Princesse, ne vous affligez point inutilement : & n’attendrissez pas mon cœur sans qu’il en soit besoin. Contentez vous, que si je suis contrainte de vous bannir, je ne vous banniray pas sans douleur ; & que je n’eus gueres plus de desplaisir de la nouvelle de vostre mort, que j’