Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/162

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en auray de vostre absence. Mais apres tout, Artamene la gloire est preferable à toute chose : & tant que je n’agiray contre vous que pour la satisfaire, vous n’aurez point de sujet legitime de vous plaindre de moy. Artamene voyoit bien qu’il n’en pouvoit ny n’en devoit pas esperer davantage d’une personne comme Mandane : Mais quoy qu’il deust y avoir preparé son esprit ; il ne pût toutefois s’empescher d’estre tres affligé. Elle sçeut pourtant le consoler si doucement dans sa douleur, par les charmes de sa conversation, qu’il ne laissa pas de preferer les maux qu’il souffroit en servant Mandane, à toutes les felicitez qu’il eust pû avoir sans elle. Il commença donc de s’assujettir plus qu’auparavant aupres de Ciaxare : il rendit mesme contre son inclination, plus de foins à Aribée ; & il n’oublia rien pour s’aquerir un si grand credit dans la Cour ; que quand il viendroit à se descouvrir, l’on deust aprehender de le perdre. Bien est il vray qu’il estoit si universellement aimé, que le soin extraordinaire qu’il en prit, ne luy aquit gueres de nouveaux Serviteurs : ny n’augmenta gueres le zele de ceux qu’il avoit desja, ce zele estant desja extréme.

Cependant celuy qu’il avoit envoyé porter des Pierreries à la Fille de cette Dame, chez laquelle il avoit esté pris pour Spitridate, & chez laquelle il avoit esté si bien secouru, revint à Sinope : & luy aprit qu’il y alloit avoir une nouvelle guerre en Bythinie. Il luy dit qu’il avoit trouvé ce Chasteau environné de quantité de Troupes : & que lors qu’il avoit parlé à cette Dame, elle avoit esté extrémement surprise, de voir les Pierreries qu’il avoit eu ordre de presenter à sa Fille. Que d’abord elle avoit fait quelque difficulté de souffrir qu’elle les acceptast : mais qu’enfin elle s’y estoit resoluë.