Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/172

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tous les jeunes Princes, de pretexter leur veritable ambition, d’une passion plus galante, ou d’un simple desir de gloire ; vous me donneriez sans doute en mesme temps beaucoup de sujet de vanité, & beaucoup de sujet de me pleindre de vous. Car Seigneur, je ne puis nier qu’il ne me fust avantageux d’estre estimée d’un Roy qui a tant de bonnes qualitez : & que je n’eusse aussi quelque cause de vous accuser, & peut-estre de vous punir, de me parler comme vous faites. Mais, Seigneur, luy dit elle, je prens tout ce que vous m’avez dit, comme je le dois prendre : & bien loing de vous mal traitter, je vous proteste qu’il ne tiendra pas à moy, que vous ne partiez de cette Cour, aussi libre de l’esprit que du corps : & si mes vœux sont necessaires pour vous faire remonter au Throsne, malgré toutes les choses passées, je ne les espargneray pas. J’aurois mieux aimé, Madame, respondit le Roy de Pont, que vous eussiez escouté les miens, que d’employer les vostres pour moy : mais c’est une chose où il ne faut plus penser, que pour me punir de la temerité que j’ay eue, d’oser aimer la plus merveilleuse Personne du monde. Apres cela, la Princesse luy respondit, & il luy repliqua encore une fois : en suitte de quoy il prit congé d’elle & sortit. Pour mon Maistre, il ne sçavoit s’il devoit demeurer ou suivre ce Prince : il craignoit que le Roy de Pont ne remarquast son chagrin : & il aprehendoit aussi que Mandane ne s’aperçeust de sa jalousie, & ne s’en offençast. De sorte que pour ne s’exposer ny à l’une ny à l’autre de ces choses, il fut chez Ciaxare, où peu de temps apres le Roy de Pont retourna pour luy dire adieu. Ce mot d’adieu ayant un peu remis la tranquilité dans l’esprit d’Artamene, par la joye qu’il eut de voir