Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/182

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ce manquer de respect, que de vouloir demeurer aupres de vous pour vous adorer ? Enfin Artamene (luy dit elle, d’un visage où il paroissoit de la douleur, & beaucoup de Majesté) il y va de ma gloire, & rien ne me sçavroit fléchir. Si cela est Madame, repliqua-t’il, vous avez raison : & la vie d’Artamene est trop peu considerable, pour estre comparée à une chose si precieuse. Mourons donc Madame, mourons : mais n’ayez pas du moins l’inhumanité, de haster tant l’heure de ma mort. Laissez moy donc expirer lentement & ne me refusez pas la consolation, de jouir encore quelques momens de vostre veuë. Vous sçavez Madame, qu’il me demeure encore quinze jours, de trois mois que vous m’aviez donnez : ne me les ostez pas, si vous ne voulez que je perde patience : & peutestre que je vous desobeïsse. Artamene prononça ces tristes paroles d’une façon si touchante, qu’il fut impossible à Mandane de luy refuser ce qu’il vouloit : aussi bien ne faloit il guere moins de temps, pour pretexter son départ aupres du Roy. Je ne vous dis point Seigneur, tout ce que ces deux illustres Personnes se dirent encore en cette conversation, ny en celles qu’elles eurent en suitte durant cinq ou six jours, car cela seroit trop long : ny ce que mon Maistre dit, lors qu’il fut seul dans sa chambre. Mais je vous diray seulement, qu’il n’y eut jamais de melancolie égale à la sienne : ny peut-estre guere de semblable à celle de Mandane, quoy qu’elle la cachast mieux. Elle le prioit quelquefois, de luy promettre qu’il ne feroit jamais la guerre, ny en Capadoce, ny en Medie : & il luy respondoit tousjours, que le moyen infaillible de s’en assurer, estoit de le retenir aupres d’elle. Enfin elle vouloit pour sa consolation qu’il l’aimast ;