Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/197

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des couleurs, y estoit judicieusement observé : & la pourpre, l’or, le blanc, & le bleu, estoient meslez avec une confusion, où il ne laissoit pas d’y avoir de la regularité. Toutes ces Tentes avoient sur le haut, de grosses pommes d’or ou de cuivre, avec des Banderolles ondoyantes : & en divers endroits de cette Ville (s’il est permis de parler ainsi) l’on voyoit des Pavillons beaucoup plus eslevez que les autres : qui paroissoient comme font dans nos Villes, les Palais & les magnifiques Temples. Au milieu de tout cela, estoit le Pavillon de Thomiris, fort remarquable & par sa beauté, & par sa grandeur prodigieuse, & parles Enseignes Royalles, que l’on voyoit arborées, sur le haut de ce superbe Pavillon.

Comme nous arrivasmes donc à quinze ou seize stades de ces magnifiques Tentes, nous vismes paroistre un gros de Cavalerie, à la teste duquel estoit un des plus considerables d’entre les Massagettes : qui venoit recevoir mon Maistre au nom de la Reine. Car dés que nous avions eu passé l’Araxe, elle avoit esté, advertie, qu’un Ambassadeur de Ciaxare, appelle Artamene, estoit entré dans ses Estats : de sorte qu’au Nom de Ciaxare, & à celuy d’Artamene, qu’elle ne connoissoit que trop, comme vous sçaurez apres, elle avoit envoye comme je viens de le dire, un homme de consideration, suivy de beaucoup d’autres, pour le recevoir. Les premiers complimens estans faits, nous continuasmes nostre chemin meslez parmy eux : & en aprochant, nous vismes que tout ce grand quarré de Tentes, estoit enfermé de Barrieres peintes & dorées, où il y avoit en garde, des Soldats de fort bonne mine. Nous vismes aussi qu’il y avoit une petite Riviere, qui se divisoit