Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/202

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les Mers : & vous devez bien croire qu’elle passe ainsi les Fleuves avec joye, quand elle est chargée d’une gloire comme la vostre. Ouy genereux Artamene, adjousta t’elle, nous vous connoissions sans vous avoir veû : vostre Nom a devancé vostre Personne : & nostre estime pour vous, a precedé vostre arrivée. Je crains bien, Madame (respondit mon Maistre en la mesme langue qu’elle avoit parlé) que je ne destruise moy mesme cette glorieuse estime ; & que je ne rende un mauvais office a la Renommée qui m’a tant flatté : puis qu’apres cela vous ne la croirez peut-estre jamais plus : & tiendrez pour suspectes de mensonge, toutes les veritez qu’elle vous annoncera. Mais, Madame, quoy qu’elle m’ait fait grace, elle ne laisse pas de rendre quelque fois justice : c’est pourquoy je supplie tres-humblement vostre Majesté, de ne douter jamais de ce qu’elle dira, lors qu’elle voudra vous assurer, que le Prince que je sers, est un des plus Grands Rois du Monde. Je sçay bien, reprit Thomiris, qu’en effet Ciaxare est un Grand Prince, & un Prince qui a de bonnes qualitez : & je sçay de plus, que la Princesse sa Fille, est aussi admirable en beauté, qu’Artamene l’est en valeur. Mais je sçay aussi, adjoustat’elle, que vostre main à fait trembler la plus grande partie de l’Asie : & que vous avez presques autant gagné de Batailles, que vous avez vescu d’années. Mon Maistre estoit si surpris & si confondu d’entendre parler Thomiris de cette sorte, qu’il ne pût s’empescher de luy tesmoigner son estonnement : car il s’estoit imaginé que les Scithes & les Massagettes qui sont leurs Alliez, ne prenoient gueres de part en tout le reste du monde. Madame, luy dit il, vous me surprenez estranggement : car