Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/225

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qu’il le paroist : & peut-estre n’est il que trop persuadé pour ma gloire, & pour faire reüssir mon dessein. Ce n’est point une chose, poursuivit Thomiris, que l’on puisse soubçonner de fausseté : personne ne s’avisa jamais, d’en inventer une semblable : & quand une Princesse advoüe la premiere qu’elle aime ; il n’y a point liéu d’en douter. Ainsi il faut conclurre de là, ou qu’Artamene qui fait semblant de ne croire pas ce qu’on luy dit, aime à se le faire dire plus d’une fois : ou veut qu’on ne luy en parle jamais. Lequel que ce soit des deux, n’est guere obligeant pour Thomiris : si ce n’est qu’en effet Artamene croye qu’il y à plus de modestie d’en user de cette sorte, que de respondre d’abord à une proposition qui luy est si advantageuse. Quoy qu’il en soit Gelonide, il faut que du moins je connoisse le cœur d’Artamene, si je ne le puis gagner : & il faut que je parle avec tant d’adresse, qu’il ne puisse pas se déguiser, quand mesme il seroit aussi fin qu’un Grec. Il faut que vous parliez Madame, reprit Gelonide ; Eh de grace, ne vous hastez pas de faire une chose si peu ordinaire, de peur de vous en repentir apres : consultez vous plus d’une fois auparavant : & ne suivez pas aveuglément une passion, qui vous emportera trop loing si vous n’y prenez garde. Non Gelonide, reprit Thomiris, la passion qui me possede, ne me fera rien faire de criminel : Mais en cette occasion, sçachez que je prefere la sincerité des Scithes mes voisins, à la bien-seance d’Ecbatane, dont vous m’avez tant parlé. Cette vertu apparente, qui fait ses plus grands efforts à déguiser ses sentimens, & à cacher ce que l’on a dans l’ame, n’est pas à l’usage des Massagettes : parmy vous il n’importe presque point, qu’une