Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/224

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Grande Reine, & d’une belle Reine : Non, divine Princesse, ce ne sont pas là mes sentimens : & mon cœur conserve trop cherement l’image de vostre beauté, pour pouvoir estre touché par la sienne. Mais j’advoüe que cette bizarre advanture me desplaist : & que si j’avois à choisir, j’aimerois mieux donner deux Batailles, que de me trouver dans l’insuportable necessité de faire rougir de honte & de confusion, une Reine glorieuse & superbe. Dittes donc à Gelonide, dit il à Chrisante, que je n’ay point creû ce que vous m’avez dit : mais que quand vous me l’auriez persuadé, il n’en seroit rien davantage : puis qu’enfin la fidelité que j’ay pour le Roy que je sers, ne me permettroit jamais d’accepter un pareil honneur. Encore une fois Chrisante, dit il, n’oubliez pas de dire à Gelonide que je n’ay point adjousté de foy à vos paroles : & laissons du moins à Thomiris, une honneste voye de se repentir de bonne grace d’une premiere pensée, qu’elle à peut-estre desja côdamnée elle mesme.

Ce fut de cette sorte Seigneur, que mon Maistre parla à Chrisante : qui ne manqua pas d’aller trouver Gelonide : & Gelonide aussi ne manqua pas de rendre sa response à la Reine. Mais helas, que cette response fit un effet bien contraire à celuy qu’Artamene en attendoit ! & que Thomiris se servit peu de cette honeste voye qu’il luy offrit, de pouvoir corriger ses premieres pensées par les secondes ! Au contraire la difficulté piqua l’esprit de cette Reine, au lieu de le rebuter : & cette ame superbe creut qu’elle estoit doublement obligée de vaincre ce qui luy resistoit. Non non Gelonide (dit elle, apres que cette Dame luy eut rendu la response de Chrisante) Artamene n’est pas aussi difficile à persuader