Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/23

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rien de plus offençant, que leur procedé envers moy ? je les prie de s’aimer, & ils se querellent ; je ils se battent ; & se battent mesme dés le lendemain que je leur ay fait cette priere. En verité je ne pense pas que jamais l’on ait entendu parler d’une pareille inconsideration : & je ne pense pas aussi que je la leur puisse pardonner. Il faut bien croire, Madame, reprit Martesie, qu’il y a quelque chose de caché en cette avanture que l’on ne comprend point : & qui peut-estre les justifieroit si vous la sçaviez : car enfin ils ont de l’esprit & du jugement, & beaucoup de respect pour vous. Ils me l’ont mal tesmoigné en cette occasion, repartit brusquement la Princesse, aussi pretenday je bi ? leur faire voir que je suis sensible aux injures. Mais vous l’estes aussi aux bien-faits, reprit Martesie ; & cela estant, que deviendront les services de ces deux braves Estrangers ? Mais Martesie, je voudrois donc bien sçavoir, luy dit la Princesse, ce que je dois penser de la hardiesse d’Artamene, & de celle de Philidaspe : & je voudrois bien sçavoir aussi lequel a esté l’agresseur. L’evenement du combat, m’a bien apris qu’Artamene a eu l’avantage : mais personne ne m’a dit lequel est le plus coupable. Je pense Madame (luy respondit Martesie, qui estoit seule avec elle dans son Cabinet) que l’on peut aisément les condamner tous deux sans injustice : car ne les aviez vous pas priez tous deux de s’aimer ? Oüy, reprit la Princesse, mais encore qu’ils ne puissent estre innocens ny l’un ny l’autre, il est pourtant assez difficile qu’ils soient tous deux esgalement coupables : & c’est ce que je voudrois sçavoir precisément. Ce n’est pas, adjousta t’elle, que je ne croye presque