Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/24

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qu’Artamene est le moins criminel. Et pourquoy, Madame, respondit Martesie, le croyez-vous ainsi, puis que vous n’avez pas plus de preuves en faveur de l’un que de l’autre ? Je ne sçay, reprit la Princesse, mais il me semble que j’ay plus de sujet de soubçonner l’humeur violente de Philidaspe, de m’avoir manqué de respect, que non pas la sagesse d’Artamene. & puis, adjousta t’elle encore, il semble que la victoire qu’il a remportée, soit une marque infaillible que son party estoit le plus juste : Enfin, luy dit elle en rougissant, je ne sçay pas bien par quelle raison, mais je souhaite que ce soit plustost Philidaspe qu’Artamene qui ait le plus failly : & je seray tousjours bien aise, qu’un homme à qui j’ay de grandes obligations, ne me donne pas un si grand sujet de pleinte. Il est vray, luy respondit Martesie, qu’Artamene est un homme incomparable : & qui merite sans doute que vous l’estimiez, preferablement à tout autre. Mais Madame, adjousta-t’elle, comment est-ce qu’un homme d’une vertu si extraordinaire, cache le lieu de sa naissance & sa condition ? Il est à croire, dit la Princesse en rougissant, qu’il faut qu’elle soit au dessous de son courage : car si cela n’estoit pas, il n’en useroit pas ainsi. Mais, adjousta Martesie, qu’est-ce qui l’a amené en cette Cour, & qu’est-ce qui l’y retient ? car enfin j’ay entendu dire, qu’il n’a jamais rien demandé au Roy. Jamais rien, respondit la Princesse, que la permission d’aller combattre ses ennemis : cependant, dit-elle, ses services n’ont pas esté petits : ny ses actions mediocrement esclatantes. Et là, cette grande Princesse se mit à repasser, ce que mon Maistre avoit fait à la premiere Bataille, lors qu’il avoit sauvé la vie du Roy son Pere, contre tant d’