Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/245

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mieux, car je ne vous en refuseray aucune. je sçay bien, reprit Indathirse, que c’est en quelque sorte violer le droit des Gens, que de s’attaquer à la personne d’un Ambassadeur, que tous les Peuples de la Terre estiment sacrée : mais comme je suis Estranger aussi bien que vous, je ne pense pas estre obligé aux loix du Païs ; ny faire rien contre l’honneur, de vous demander reparation de l’outrage que vous m’avez fait, en me faisant haïr de Thomiris. Il est juste, respondit mon Maistre sans s’esmouvoir, & si vous voulez seulement que nous nous éloignions encore deux cens pas de ceux qui nous suivent, comme vous avez une espée aussi bien que moy, nous terminerons nostre different ; & nous verrons si l’amour que vous avez pour la Reine, vous fera vaincre sans peril. Artamene nous dit apres, que la colere de se voir encore persecuté, par un homme dont il n’estoit point Rival, le transporta de telle sorte ; qu’il n’estoit gueres moins irrité, que s’il eust esté amoureux de la Reine. Indathirse ayant donc accepté ce qu’il luy offroit, ils recommencerent de marcher, jusques à ce qu’ils fussent hors de la veüe de leurs Gens, qui n’y prirent pas garde : & là Indathirse & Artamene ayant mis l’espée à la main, firent un combat, dont je ne puis pas vous dire beaucoup de particularitez ; parce que ce n’a esté que de la bouche des combattans que nous l’avons sçeu ; & que leur modestie ne leur a pas permis d’exagerer leur propre valeur. Ce qu’il y a de vray, c’est qu’Artamene nous dit qu’Indathirse tesmoigna beaucoup de cœur, & mesme beaucoup d’adresse en cette dangereuse occasion : ils se porterent plusieurs fois sans se toucher : mais en fin, comme mon Maistre a tousjours esté destiné à vaincre ; il vit rougir son espée du sang d’Indathirse.