Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/249

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d’agir comme j’ay fait, pour les interests du Roy mon Maistre. Mais ne vous en inquietez pas : car je vous assure que je n’avanceray rien. Et afin de vous mettre l’esprit plus en repos pour ce qui me regarde ; je vous advoüeray que j’aime une Personne de qui je ne quitterois pas les chaines, pour toutes les Couronnes de l’univers. Ind’athirse remercia Artamene de sa generosité & de sa franchise : & apres luy avoir promis une affection eternelle ; d’où peut venir, luy dit il, que vous n’avancez rien en vostre negociation, veû que la Reine vous donne tant de marques d’estime & d’amitié ? Artamene qui voulut cacher la foiblesse de Thomiris à Indathirse, luy dit que c’estoit bien souvent la coustume des Rois, de refuser de bonne grace : & d’adoucir le mauvais succés d’une affaire, par la maniere dont ils agissoient. Mais Indathirse estoit trop interessé en la chose, pour s’y laisser tromper si facilement : & pour ne discerner pas les simples effets de la civilité, d’avec ceux d’une passion violente. Cependant quoy qu’il peust faire, il ne pût jamais obliger Artamene, à luy advoüer ce qu’il sçavoit de l’amour de Thomiris : mon Maistre luy disant toujours qu’il devoit se contenter de sçavoir qu’il n’avoit point de passion pour la Reine : & ne la soubçonner pas d’en avoir une si peu raisonnable.

Cette conversation estant finie, Artamene s’en retourna chez luy : où il ne fut pas si tost entré, que Chrisante vint l’advertir de la part de Gelonide, que la Reine avoit donné des ordres secrets qu’on l’observast soigneusement, de peur qu’il ne s’échapast. je vous laisse à juger Seigneur, combien cette nouvelle l’affligea : neantmoins il falut dissimuler, & agir comme s’il n’en eust rien sçeu. Il retourna