Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/256

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de s’aimer eternellement. Indathirse voulut toutefois regarder passer Artamene : qui estant arrivé à l’autre costé du fleuve, salüa encore le Prince des Tauroscithes, qui fit aussi la mesme chose. En suite dequoy, commençant à marcher en mesme temps, Indathirse prit le chemin de son Païs, bien qu’il s’en fust fort esloigné, & nous suivismes celuy qui pouvoit nous conduire en Capadoce.

Mais, Seigneur, que ce voyage se fit peu agreablement durant les premiers jours ! & qu’Artamene eut de peine à resoudre en luy mesme, ce qu’il diroit à Ciaxare ! Neantmoins apres avoir bien cherché dans son esprit, il fit dessein de luy dire seulement, qu’il n’avoit pas trouvé les choses disposées à parler ouvertement de son Mariage à Thomiris : & que cette Princesse s’estant laissé persuader par des personnes mal intentionnées, avoit fait courir quelque bruit qu’il avoit de mauvais desseins : qu’ayant esté adverty qu’on l’observoit, il avoit esté demander son congé : que luy ayant esté refusé, & ayant sçeu que l’on avoit résolu de l’arrester ; il avoit crû qu’il estoit de son devoir d’empescher que le Roy ne reçeust cét outrage en sa personne. Enfin apres avoir imaginé ce qu’il pourroit dire, l’esperance de revoir Mandane, commença de remettre la joye dans son esprit : & depuis cela, nous ne marchasmes pas un jour, que je ne visse des marques d’une nouvelle satisfaction, sur le visage d’Artamene. Chaque pas qu’il faisoit l’aprochant de Mandane, luy faisoit faire cent reflexions agreables : & ses propres pensées l’entretenoient si doucement ; qu’il n’avoit besoin, ny de la conversation de Chrisante, ny de la mienne pour le divertir. Il marchoit ordinairement trente pas devant, ou trente pas derriere, afin de pouvoir resver avec