Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

marquoient tous la joye que luy donnoit l’eſperance de revoir Mandane : nous arrivaſmes à cent pas de la porte de la Ville, où nous rencontraſmes un Eſcuyer de la Princeſſe. Artamene ne l’eut pas pluſtost reconnu, que s’avançant vers luy, avec une diligence extréme ; il luy demanda avec beaucoup d’empreſſement, des nouvelles du Roy, & de la Princeſſe Mandane. Ha Seigneur, s’eſcria cét Eſcuyer, que n’eſtes vous revenu quatre jours pluſtost ! A ces mots mon Maiſtre paſlit : & paſſant tout d’un coup de l’eſperance à la crainte, & de la joye à la douleur ; il chercha dans les yeux de cét Eſcuyer, la cauſe d’un ſemblable diſcours. Mais ne pouvant la deviner, quoy, luy dit il, ſeroit il arrivé quelque accident fâcheux au Roy ou à la Princeſſe ? Ouy Seigneur, repliqua cét Eſcuyer, & le plus grand ſans doute, qui leur peuſt jamais advenir : car enfin le Roy a perdu la Princeſſe ſa fille. Quoy, reprit mon Maiſtre tout deſesperé, la Princeſſe eſt morte ? Non, reſpondit il, mais elle eſt enlevée. Je penſe Seigneur, qu’il fut à propos qu’Artamene euſt d’abord tourné ſon eſprit du coſté le plus funeſte : car en effet je ſuis perſuadé, que ſi la penſée de la mort de Mandane, n’euſt precedé d’un inſtant, celle de ſon enlevement, il en ſeroit expiré de douleur. Quoy, s’écria t’il, Mandane eſt enlevée ! Et quel eſt celuy qui a pû concevoir un deſſein ſi injuſte & ſi temeraire ? Philidaſpe, reſpondit cét Eſcuyer, que l’on dit eſtre Prince d’Aſſirie. Philidaſpe ! reprit Artamene : Ouy Seigneur, repliqua t’il, & le malheur a meſme voulu, qu’une partie de ceux que l’on avoit envoyez apres, l’ayant rencontré ont eſté tuez par je ne sçay qu’elles gens qui l’ont ſecouru, du moins en