vient on d’aſſurer le Roy. Ha mes Amis, s’écria Artamene en ſe tournant vers nous, il n’en faut point douter, c’eſt nous qui avons tué les Protecteurs de Mandane ; qui avons ſecouru ſon Raviſſeur, & qui l’avons enlevée. Seigneur, luy dit alors Chriſante, ne vaudroit il point mieux entrer dans la Ville, où vous aprendriez plus à loiſir toutes les circonſtances d’un ſi grand malheur ? Artamene malgré ſon deſespoir ayant connu que Chriſante avoit raiſon, ſe mit à marcher : Mais Dieux qu’il eſtoit different de ce qu’il eſtoit un moment auparavant, & que la douleur fit un prodigieux changement en luy ! Il avoit quelque choſe de ſi funeſte dans le regard, & de ſi terrible tout enſemble ; que l’on voyoit aiſément que la colere ſe meſloit à la melancolie : & que la jalouſie agitoit autant ſon cœur que l’amour. Comme nous fuſmes arrivez chez mon Maiſtre, il preſſa l’Eſcuyer de la Princeſſe de luy dire comment ce malheur eſtoit advenu : il sçeut donc que trois jours auparavant cét accident, Aribée avoit obligé le Roy d’aller à la Chaſſe, à cinquante ſtades de Themiſcire : & que pendant ſon abſense la choſe avoit eſté executée. Mais, luy dit mon Maiſtre, comment l’a-t’on pu executer ? L’on n’a pas eu grand peine, repliqua cét Eſcuyer de Mandane, car les Gardes de la Princeſſe eſtoient gagnez : & ce ſont eux meſmes qui l’ont enlevée. Joint qu’il y a auſſi une de ſes Filles que l’on croit qui l’a trahie : par une jalouſie ſecrette qu’elle avoit, de ce que la Princeſſe luy preſeroit Marteſie. Vous sçavez Seigneur, adjouſta t’il, que le Thermodon paſſe ſous les feneſtres de la Princeſſe Mandane, & que meſme ces feneſtres ſont ſi baſſes, qu’il n’eſt pas beſoin d’avoir une échelle pour en pouvoir deſcendre.