Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/269

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en cas qu’il ait pris le chemin de la Mer : Mais à : vous dire la verité, il n’y a pas grande apparence puis qu’on l’a manqué cette fois là, qu’on le r’atrape une ſeconde. Depuis hier, adjouſta cét homme, il court un Manifeſte dans Themiſcire, par lequel il paroiſt que Philidaſpe ſe dit eſtre Labinet, Fils de la Reine Nitocris, & ſeul heritier du Royaume d’Aſſirie. Il dit de plus,

Que la Capadoce appartenant de droit à la Couronne des Aſſiriens, il a creû ne pouvoir la reconquerir par une plus douce voye, qu’en faiſant la Princeſſe Mandane Reine d’Aſſirie. Que l’on ne doit point aporter contre luy, la loy qui deffend de marier la Princeſſe à un Eſtranger : puis que de droit les Capadociens ſont ſes Sujets. Que s’il n’a pas fait demander la Princeſſe à Ciaxare ; c’eſt qu’il sçait de certitude, que tous les Medes haiſſant les Aſſiriens, Aſtrage & Ciaxare la luy auroient refuſée. Que comme il n’eſt point Eſtranger pour la Princeſſe de Capadoce, la Princeſſe de Capadoce auſſi, n’eſt point Eſtrangere pour luy : de ſorte qu’il eſpere que la Reine Nitocris aprouvera ſon deſſein, & recevra la Princeſſe Mandane avec joye.

Il y a pluſieurs autres choſes, Seigneur, adjouſta-t’il, dans ce Manifeſte, qui ſeroient trop longues à dire. Pendant tout le diſcours de cét Eſcuyer, Artamene n’avoit pas dit une parole : ce n’eſtoit pas qu’il l’eſcoutast avec une attention tranquile : au contraire, l’on voyoit ſur ſon viſage tant de marques de paſſions violentes, qu’il en faiſoit pitié à ceux qui le regardoient. Mais c’eſtoit que ſentant bien qu’il ne pourroit parler ſans en donner de trop viſibles d’une douleur exceſſive, devant un