Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/299

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le Roy accompagné de pluſieurs des ſiens, l’eſtoit venuë prendre dans ſa chambre, avec les deux Filles de Capadoce qu’elle avoit touſjours avec elle : & l’avoit fait deſcendre par un Eſcalier dérobé, qui reſpondoit dans le jardin ; ſans qu’elles puſſent dire ce qu’ils eſtoient devenus. De vous repreſenter, Seigneur, le deſpoir de mon Maiſtre, ce ſeroit une choſe impoſſible : Quoy, diſoit il, les Dieux ont donc reſolu de me faire ſouffrir tous les malheurs les plus inſuportables ! Quoy je ne delivreray donc point ma Princeſſe, & je ne puniray point mon Rival ! Ha Feraulas ! cela n’eſt pas poſſible. En fin, Seigneur, il fut à propos que Ciazare & tant de Grands Princes qui l’acompagnoient donnaſſent tous les ordres neceſſaires, pour remettre le calme en cette grande Ville : car pour mon Maiſtre, Mandane eſtoit la ſeule choſe où il pouvoit penſer. L’on fut un mois tout entier, ſans sçavoir ce que le Roy d’Aſſirie eſtoit devenu, non plus que la Princeſſe Mandane : pendant le quel Artamene ſouffrit tout ce que l’on peut ſouffrir. Helas ! me diſoit il quelquefois, à quoy me fert de gagner des Batailles ; de prendre des Villes, & de renverſer des Royaumes ; ſi je ne puis pas ſeulement delivrer ma Princeſſe, & punir ſon Raviſſeur ? Encore ſi ce n’eſtoit pas de ma main qu’elle fuſt en ſa puiſſance, je ſerois moins affligé : mais qu’il faille que par ma valeur, le Roy d’Aſſirie ait enlevé ma Princeſſe ; & que cette meſme valeur ne puiſſe faire que je le tuë, ny que je la delivre ; c’eſt ce qui vient à bout de toute ma patience. Car enfin ſauver la vie de ſon Ennemy attaqué par onze Chevaliers ; & ne la luy pouvoir oſter en un jour, où tant d’autres auſſi vaillans que luy ont ſenty la peſanteur de mes coups ;