Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/30

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main à la Princesse, qui avoit remarqué fort aisément, l’inquietude d’Artamene. Le Roy trouva Philidaspe en assez bon estat ce jour-là ; mais si surpris de voir Artamene dans sa chambre ; qu’il s’en salut peu que ses playes ne se r’ouvrissent, à la veüe de celuy qui les luy avoit faites, tant il sentit d’esmotion. Ciaxare luy dit alors, que pour l’empescher de retomber en un pareil malheur avec Artamene, il vouloit qu’ils s’embrassassent : le naturel violent de Philidaspe, eut beaucoup de peine à se contraindre en cette occasion : neantmoins voyant que le Roy le vouloit ainsi ; que la Princesse se plaignoit de luy ; & que la moitié de la Cour estoit presente ; il se retint & obeït. Mandane donc faisant aprocher Artamene, luy dit que c’estoit à celuy qui estoit le plus en santé, à faire le plus de chemin ; & en effet elle le poussa doucement vers Philidaspe ; qui l’embrassant par force, luy dit que les Rois devoient estre obeïs dans leur Estats. Vous avez raison, luy respondit mon Maistre ; & c’est pour cela que je fais ce que le Roy & la Princesse m’ordonnent. Quiconque, Seigneur, auroit bien observé leurs mouvemens, auroit aisément remarqué, qu’il y avoit quelque grand secret dans leur cœur : cette visite ne fut pas longue ; mais tant qu’elle dura, Artamene regarda tousjours la Princesse Mandane, ou Philidaspe ; qui de son costé estoit si interdit, qu’il ne regardoit presque personne. Le Roy s’estant retiré, & la Princesse l’ayant suivy, l’on s’en retourna au Palais ; où Mandane ne fut pas plustost arrivée, qu’elle tesmoigna ne vouloir plus voir personne. Pour Artamene, il fut encore quelque temps chez le Roy : mais avec tant d’inquietude, qu’il fut contraint d’en sortir, & de s’en aller dans sa Chambre. Il n’y fut