Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/31

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pas plustost, que repassant dans son esprit, tout ce qui luy estoit arrivé, il ne sentist un desplaisir, dont il ne se pouvoit consoler. Quoy, disoit il ne souspirant, il ne me sera pas permis de haïr mon ennemy ! & Mandane voudra eternellement violenter toutes mes inclinations ! quel interest caché peut elle avoir en cette rencontre, qui l’oblige à vouloir que j’ayme Philidaspe, & que Philidaspe m’aime ? n’est-ce qu’un simple dessein de conserver la vie de deux hommes, qu’elle ne croit pas inutiles au service du Roy son Pere ? ou n’est-ce point qu’ayant quelque estime particuliere pour Philidaspe, elle veüille luy oster un ennemy, qu’elle ne croit pas estre des moins redoutables ? & que faisant semblant de nous traiter esgalement, il y ait pourtant une grande inesgalité, aux sentimens qu’elle a pour nous ? Mais helas, reprenoit-il, que je suis injuste, d’expliquer de cette sorte, les actions & les paroles d’une Princesse, qui m’a toujours si bien traité ! dequoy me puis-je pleindre raisonnablement ? Artamene comme Artamene, peut il pretendre, quelque chose de la Princesse de Capadoce, qu’il n’ait obtenuë ? Elle le loüe ; elle le reçoit avec civilité ; elle souffre sa conversation sans chagrin ; elle luy offre sa protection aupres du Roy ; elle prend soing de sa vie ; elle demande sa grace quand il a failly ; & il n’est rien enfin, que l’illustre Mandane ne face pour Artamene. Mais helas ! si Artamene est content comme Artamene, Cyrus n’est gueres satisfait comme Cyrus. Cét Artamene, adjoustoit-il, que la Princesse favorise, n’est pas veritablement celuy que je veux qui le soit : celuy là, semble n’aimer que la guerre, & ne chercher que la gloire : & celui que je voudrois qu’elle connust, & qu’elle favorisast, n’aime que