Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/301

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trouble la raiſon : & tant il eſt vray qu’il eſt difficile de s’en deffendre, meſme aux perſonnes les plus raiſonnables.

Mais enfin, Seigneur, l’on aporta tant de ſoing à s’informer de ce qu’eſtoit devenu le Roy d’Aſſirie, que l’on sçeut qu’il s’eſtoit retire à Pterie dont Aribée eſtoit Gouverneur : que Mazare l’avoit eſcorté ; qu’Aribée ſon ancien Amy, l’avoit reçeu dans cette Ville ; & que la Princeſſe eſtoit fort eſtroitement gardée en ce lieu là. Cependant nous ne sçeuſmes point alors, & nous ne sçavons point encore aujourd’huy comment il pût ſortir de Babilone. Cette nouvelle donna d’abord beaucoup de joye à Artamene : qui obligea Ciaxare à faire décamper ſon Armée, qui eſtoit touſjours à l’entour de cette ſuperbe Ville : apres y avoir laiſſé une puiſſante Garniſon, & donné tous les ordres neceſſaires pour la conſerver. Nous marchaſmes donc en diligence vers Pterie : & quoy que cette marche fuſt aſſez longue, nos Troupes ne ſouffrirent pas extrémement, tant la prudence d’Artamene ſongeoit ſagement à toutes choſes. Mais, Seigneur, comme nous fuſmes à trois journées de cette Ville, la joye que mon Maiſtre avoit eüe, de penſer qu’il sçavoit du moins où eſtoit ſa Princeſſe & ſon Rival, fut un peu diminuée : Car nous sçeuſmes que le Roy d’Aſſirie, le Prince Mazare, & Aribée, avoient conduit la Princeſſe à Sinope. Artamene venant donc à conſiderer que cette Ville eſtoit au bord de la Mer, à qu’à moins que d’avoir une Armée Navalle il eſtoit impoſſible de l’aſſieger ; celuy fut un redoublement de douleur eſtrange. Car en fin Ciaxare n’en avoit point, & meſme n’en pouvoit pas avoir ſi toſt en eſtat de ſervir. Cependant il eſtoit inutile de venir aſſieger Sinope ſans cela : puis que lors qu’on auroit preſſe la