Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/302

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Ville du coſté de terre, le Roy d’Aſſirie euſt touſjours pû ſe ſauver par la Mer, & emmener la Princeſſe : qui eſtoit la choie du monde qui Artamene aprehendoit le plus. Cette fâcheuſe circonſtance, qui faiſoit qu’avec une Armée de plus de cent mille homes, il n’oſoit aſſieger Sinope, luy cauſoit une douleur, que l’on ne sçauroit exprimer : deſesperé donc qu’il eſtoit. il propoſa à Ciaxare de m’envoyer déguiſé dans Sinope, afin de taſſcher de gagner quelqu’un ; & d’eſſayer apres de prendre cette Ville par intelligence. Ciaxare ne pouvant mieux faire y conſentit ; & j’obtins ce que j’avois demandé : car, Seigneur, ce fut moy qui en fis la premiere propoſition à mon Maiſtre, le m’en vins donc icy, apres m’eſtre deſguisé en Perſan : & comme nous avions demeuré aſſez longtemps à Sinope, j’y avois ſans doute beaucoup d’amis. Mais entre les autres, Artucas qui eſt encore preſentement icy, & qui eſt parent de Marteſie, m’avoit touſjours aſſez aimé, quoy qu’il fuſt aucunement attaché au ſervice d’Aribée. Comme je fus entré dans la Ville, & que je me fus caché chez un homme qui m’eſtoit fidelle, je sçeus qu’il me ſeroit impoſſible de faire rien dire à la Princeſſe, comme j’en avois eu le deſſein ; Si j’apris que l’on tenoit touſjours des Galeres en eſtat de ramer, & des Vaiſſeaux tous preſts à faire voile, en cas que l’on en euſt beſoin : principalement depuis que le Roy d’Aſſirie avoit sçeu que nous eſtions ſi prés de luy. l’apris auſſi qu’encore qu’Artucas fuſt Capitaine d’une des Portes de la Ville, il n’avoit pas fort aprouvé la revolte d’Aribée : & qu’il trouvoit fort eſtrange, que la Princeſſe fuſt priſonniere dans une Ville qui eſtoit à elle. Je sçeus encore que le Prince