Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/350

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Apres, adjouſtoit Mazare, vous n’eſtes pas dans la liberté de choiſir : & la Princeſſe Iſtrine eſtant la ſeule perſonne que ſelon les loix de l’Eſtat vous pouvez eſpouser, en toute l’eſtendüe de voſtre Royaume ; je ne voy pas pourquoy vous ne vous y reſoluez point : & pourquoy vous ne vous eſtimez pas heureux, de ce que n’y ayant qu’une Princeſſe qui puiſſe eſtre voſtre femme ; les Dieux vous l’ont du moins donnée belle, douce, ſprituelle, & vertueuſe. Ha Mazare, s’eſcria le Prince d’Aſſirie, c’eſt pour cette fatale neceſſite que je ne puis ſouffrir, que la Princeſſe Iſtrine m’eſt inſuportable : Ouy Mazare, j’avoüe, puis que vous le voulez sçavoir, que je connois comme vous, que cette Princeſſe a de la beauté, de la douceur, de l’eſprit, & de la vertu : mais apres tout, quoy que je la connoiſſe aimable, je ne la sçaurois aimer, & je ne l’aimeray jamais. Non Mazare, les Rois qui ſont au deſſus de tous les autres hommes, ne doivent point eſtre privez de la liberté de ſe choiſir une femme, s’ils ont a en avoir une : c’eſt une loy que mes Predeceſſeurs ont eſtablie, & que je ne sçaurois obſerver. Principalement en une conjoncture où il n’y a preſque point à choiſir : & où de neceſſité, ſi je veux eſpouser une Princeſſe Aſſirienne, il faut que ce ſoit Iſtrine. Car encore que Gobrias ait une Fille, les Aſſiriens font quelque diſtinction de ſon païs au noſt il eſt pluſtost mon Vaſſal que mon Sujet. Je ne doute preſque point, adjouſtoit ce Prince violent, que ſi la loy de l’Eſtat, & les commandements de la Reine, ne ſembloient pas me vouloir forcer, à aimer la Princeſſe Iſtrine malgré moy, je ne l’aimaſſe & je ne la cheriſſe : mais je vous confeſſe que ne la pouvant choiſir, je ne la sçaurois aimer : & que le Prince d’Aſſirie ne le reſoudra jamais,