Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/351

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à ſe captiver en la choſe du monde qui doit eſtre la plus libre. Mais, luy diſoit Mazare, les Rois ne ſe marient pas comme les autres hommes : & il ne leur importe preſque pas d’aimer ou de n’aimer point celles qu’ils eſpousent. Les Aſſiriens vous demandent une Reine, accordez leur ce qu’ils demandent, & donnez voſtre cœur à qui il vous plaira. Mon cœur, repliqua le Prince en ſous-riant, eſt une choſe que j’eſtime aſſez precieuſe, pour ne la donner qu’à une Reine : ainſi Mazare, ſi par hazard je venois à aimer une perſonne qui ne le fuſt pas, je veux me reſerver la liberté de luy pouvoir donner une Couronne. C’eſt pourquoy n’en parlons plus : & ſi vous m’aimez, faites ſeulement que la Reine ne s’offence pas de ma deſobeïſſance. Mazare en effet fit tout ce qu’il luy fit poſſible, pour adoucir l’eſptit de Nitocris : mais il n’y eut pas moyen de luy faire trouver bon que le Prince ſon Fils ne luy obeïſt pas : elle que toute la Terre regardoit avec eſtime : & qui luy devoit laiſſer un Eſtat le plus floriſſant de toute l’Aſie. Elle creût meſme qu’il eſtoit bon d’oſter ce pretexte de guerre au Prince ſon fils : & de faire la paix avec le Roy de Phrigie Le Prince ayant sçeu la choſe, & ne la pouvant empeſcher, jugea bien que cette paix ne ſeroit pas pluſtost publiée, qu’on luy reparleroit de Nopces : de ſorte que ne sçachant plus quel pretexte trouver, il s’aviſa de faire ce qu’il pourroit pour obliger quelqu’un des jeunes Princes qui eſtoient aupres de luy, à eſtre amoureux de la Princeſſe Iſtrine : & entre les autres, il en preſſa eſtrangement le Prince des Saces. Mon cher Mazare, luy diſoit il, faites que je vous aye l’obligation d’aimer Iſtrine pour l’amour de moy : vous y avez ſans