Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/360

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alors, & dans l’extréme joye que j’eus bien-toſt apres, pour la reſurrection de mon cher Maiſtre, j’en avois abſolument perdu la memoire. Feraulas ayant ceſſé de parler, & Chriſante l’ayant prié de n’interrompre plus Marteſie, elle reprit ainſi ſon diſcours. Au retour d’Artamene & de Philidaſpe à Sinope, la jalouſie de ce dernier s’augmenta : & ayant eſté aſſuré par le Gouverneur de la Ville d’Iſſus, qu’il le recevroit quand il voudroit, il ne ſongea plus qu’à executer ſon deſſein. Auſſi bien voyoit il qu’il n’en pourroit jamais trouver d’occaſion plus favorable : car la Paix s’allant faire, il jugeoit bien qu’il n’auroit plus de Troupes qui luy puſſent preſter main forte : au lieu qu’en l’eſtat qu’eſtoient les choſes, il avoit quatre mille hommes, comme vous sçavez, aux Portes de la Ville, qui dépendoient abſolument de luy : & un Chaſteau pour luy donner pretexte de n’eſtre pas à Sinope, durant qu’Aribée ſeroit la choſe. Enfin vous n’avez pas perdu la memoire comment une Lettre que ce Prince eſcrivit, tombant entre les mains d’Artamene, deſcouvrit la conjuration & l’empeſcha : Mais vous ne sçavez pas que celuy qui l’avoit perduë, eſtant allé chez Aribée, & ne l’ayant point trouvée ſur luy, en eſtoit demeuré fort ſurpris : & luy avoit advoüé, qu’il craignoit bien qu’un homme contre lequel il s’eſtoit batu ne l’euſt trouvée. Vous ne sçavez pas non plus, qu’Aribée ayant sçeu qu’Artamene avoit eſté chez la Princeſſe & chez le Roy, & qu’en ſuite il eſtoit allé changer les Gardes ; envoya advertir Philidaſpe : qui apres avoir fait diſperser en une nuit, les quatre mille hommes qu’il avoit au pied de ce Chaſteau où il commandoit, au lieu de s’enfuir comme tout le monde creut qu’il avoit