Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/372

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qu’elle me faiſoit l’honneur de m’aimer, que ne fit il point pour me gagner, & pour m’obliger à luy promettre aſſistance ! Mais quoy qu’il peuſt faire, je luy dis touſjours que je ne pouvois rien pour luy ; & que l’eſperance de toutes les Grandeurs de la Terre, ne me ſeroit pas manquer à ce que je devois à la Princeſſe. Mais comme je craignois que l’exceſſive rigueur de Mandane, n’aigriſt l’eſprit de ce Prince, & ne le portaſt à quelque injuſte deſſein ; je ſouffris quelquefois qu’il me parlaſt de ſon amour & de ſon deſespoir : & je penſe à dire vray, que cela ne fut pas abſolument inutile, pour l’empeſcher de prendre quelque reſolution extréme, veû la violence de ſon amour & de ſon humeur. Tantoſt il me parloit de la paſſion qu’il avoit pour Mandane, avec des reſpects qui ne ſont pas concevables : tantoſt, comme il eſt fort violent, il s’emportoit à dire des choſes qui ſembloient devoir faire craindre, qu’il ne fuſt capable de quelque bizarre deſſein : mais des que je voyois ſon eſprit pancher de ce coſté là ; Seigneur, luy diſois-je, prenez garde à ce que vous dites ; la Princeſſe n’a encore que de la haine pour vous : mais ſi elle deſcouvroit que vous puſſiez ſeulement avoir quelque penſée de perdre abſolument le reſpect que vous luy devez ; elle paſſeroit de la haine au meſpris. Ha ! Marteſie, s’eſcrioit il, ne luy deſcouvrez pas mes tranſports & mes crimes : je ne ſuis pas Maiſtre de mes premiers ſentimens : la douleur eſt capable de me faire dire des choſes injuſtes : mais le reſpect que j’ay pour Mandane, fait que je m’en repens un moment apres. Ainſi Marteſie, ayez pitié de ma foibleſſe : & ſi vous ne me voulez pas ſervir, au moins ne me nuiſez point je vous en conjure. Seigneur, luy diſois je, je n’ay