Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/380

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dont vous faites gloire.

Tant y a Chriſante, que trois jours apres, il falut nous reſoudre à partir : de vous dire quel équipage fut le noſtre, ce ſeroit abuſer de voſtre patience pour une choſe qui n’eſt pas neceſſaire : ſi ce n’eſt que vous ſoyez de l’humeur de ceux qui diſent, que la veritable meſure de l’amour, eſt la liberalité. Car ſi cela eſt ainſi, je ne sçaurois mieux vous faire comprendre, la grandeur de la paſſion du Roy d’Aſſirie, que par la prodigieuſe deſpense qui fut faite a l’entrée de la Princeſſe dans Babilone. Le matin que nous partiſmes d’Opis, nous viſmes dans une grande Place, ſur laquelle reſpondoient les feneſtres de la Chambre de la Princeſſe, douze Chariots magnifiques, pour mettre toutes les Dames qui la devoient accompagner : & un autre incomparablement plus beau que les douze dont j’ay deſja parlé, qui eſtoit deſtiné pour ſa perſonne. Nous viſmes auſſi deux cens Chameaux pour le Bagage, avec des Couvertures de pourpre de Tir en broderie d’or. Et quand nous fuſmes aux portes de la Ville, nous viſmes dans une plaine quinze mille hommes ſous les armes, ayant tous un Morrion de cuivre doré, le Corcelet de meſme ; avec des Arcs d’Ebene, & des fléches à pointes d’or : qui ſe ſeparant en deux Corps, firent marcher les Chariots au milieu : car pour les Chameaux, ils alloient cent pas devant les Gens de guerre. Quant au Roy, comme il n’y a que douze journées d’Opis à Babilone, une partie de la Cour par ſes ordres s’eſtoit rendue aupres de luy : & il alloit à cheval, à la teſte de mille chevaux, immediatement apres le Chariot de la Princeſſe, qui marchoit le dernier de tous. Nous allaſmes de cette ſorte, juſques à une journée de Babilone : mais quand