Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/379

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d’aller à Babilone, reprit Mandane, la Reine Nitocris vivoit : & quand je vous y veux conduire, repliqua ce Prince, le Throſne d’Aſſirie eſt en eſtat de vous recevoir : & tout le Peuple en diſposition de vous reconnoiſtre pour Reine. Non Seigneur, luy dit elle, n’eſperez point que le changement de lieux, change mon ame : ny que la veüe de la ſuperbe Babilone touche mon cœur. J’aimerois mieux paſſer ma vie ſous une Cabane de Berger, que dans le Palais d’un Roy qui m’auroit offencée. Non Seigneur encore une fois, je ne veux ny vous commander, ny vous obeir : je ne veux point, dis-je, occuper la place d’une Reine, que je ne remplirois pas dignement apres elle : & j’aime mieux eſtre dans vos priſons, que ſur le Throſne d’Aſſirie. Si j’eſtois en eſtat de vous reſister, pouiſuivit elle, il eſt certain que je n’irois pas où vous me voulez conduire : & que je ſerois bien aiſe de n’aller pas attirer la guerre, vers une Ville qui paſſe pour une des Merveilles du Monde. je voudrois ſi je le pouvois, eſpargner le ſang de tant de perſonnes innocentes dont elle eſt remplie : Mais comme je ne puis pas m’oppoſer à voſtre deſſein, j’ay ſeulement à vous dire, que je ſeray à Babilone, ce que je ſuis à Opis : & que le Roy d’Aſſirie avec toute ſa magnificence, ne touchera nô plus mon cœur, que quand il ne m’a paru eſtre que Philidaſpe. Le temps Madame (luy repliqua-t’il, parce que malgré tout ce qu’elle diſoit, il luy reſtoit quelque eſpoir) nous fera voir ſi comme vous le dites, voſtre rigueur ſera plus forte que ma perſeverance. Du moins, pourſuivit il, vous avez reſolu ma mort, j’auray un Tombeau plus illuſtre à Babilone qu’icy : & vous aurez auſſi plus de teſmoins de cette cruauté