Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/382

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s’il n’y prend garde, vous luy ferez des rebelles de tous ſes Sujets : & ſi vous m’en croyez, luy dis-je, vous vous laiſſerez voir à eux avec tous vos charmes : car enfin ſi ce Prince entreprenoit jamais quelque choſe contre vous, ils ſe revolteroient peut-eſtre en voſtre faveur. Vous eſtes bien ingenieuſe, me dit elle, à excuſer voſtre faute, ou pour mieux dire voſtre foibleſſe : Mais Marteſie toute flateuſe que vous eſtes, vous avez tort de n’eſtre pas plus touchée de mon déplaiſir, & de me conſeiller comme vous faites. Car de grace, dittes moy un peu, ce que penſera le malheureux Artamene, s’il arrive qu’il vienne à sçavoit un jour, par les Eſpions que ſans doute le Roy mon Pere a dans Babilone ; que l’on m’y aura veüe arriver avec un habillement qui ne marque que de la joye, & de la ſatisfaction ? Toutes les autres choſes, ne peuvent m’eſtre imputées : mais pour celle là, s`imaginera t’on que je n’y ay pas conſenty ? Madame, luy dis-je, ſi vous eſtiez en choix de faire ce qu’il vous plairoit, je ne vous conſeillerois pas comme je fais : mais cela n’eſtant pas, je trouve que d’un mal il en faut tirer un bien : & taſcher s’il eſt poſſible, que cette meſme beauté qui vous a fait enlever, vous donne des Protecteurs ſi vous en avez beſoin. Et pour ce que vous dites d’Artamene, adjouſtai-je, croyez moy Madame, que ſi le Roy voſtre Pere a des Eſpions dans Babilone, qui raportent fidellement ce qu’ils auront veû ; ils parleront autant de voſtre melancolie que de voſtre parure : & de cette ſorte vous n’avez rien à craindre. Enfin Chriſante, la Princeſſe n’y pouvant faire autre choſe, ſe laiſſa habiller : ſans vouloir toutefois que l’on employait aucun art à ſa coiffure. Mais