Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/383

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comme vous sçavez, elle a les cheveux ſi beaux, que la negligence la pare & luy ſied bien. Les habillemens que l’on nous bailla, eſtoient à l’uſage de Medie & de Capadoce, c’eſt à dire de couleurs fort vives & fort éclatantes : car pour les femmes de qualité de Babilone, elles ne portent jamais que du blanc. Cela n’empeſche pas toutefois, qu’elles ne ſoient fort magnifiquement & fort galamment habillées : n’y ayant preſque point de couleur, ſur laquelle les Diamans, les Eſmeraudes, & les Rubis, facent un plus bel effet. Nous le connuſmes bien toſt apres ce jour là : car à peine la Princeſſe fut elle en eſtat d’eſtre veüe, que plus de deux cens femmes de condition vinrent luy faire la reverence. Elle les reçeut fort civilement : mais avec une melancolie ſi grade, qu’elle ne leur donna guere moins de pitié que d’admiration. Enfin il falut partir : & au lieu de douze Chariots pleins de Dames, qu’il y avoit le jour auparavant, il y en eut plus de deux cens. Le Roy eut auſſi plus de trois mille chevaux à l’accompagner : pour la Princeſſe, au lieu d’un Chariot ordinaire, elle fut contrainte de monter dans un ſuperbe Char de Triomphe, dont tous les ornemens eſtoient d’or. Il eſtoit tiré par quatre Chevaux Tigres, attelez de front, les plus beaux que l’on vit jamais : & quatre Hommes de la premiere condition, portoient ſur ce Char un Dais magnifique, fait d’une eſpece de Broderie d’Or, de Perles, & de Diaroans, que les ſeules Sidoniennes sçavent faire. Je ne m’arreſteray point à vous particulariſer cette pompe : & je vous diray ſeulement, que toute cette grande Plaine que l’on trouve en arrivant à Babilone par le coſté que nous y allions ; & qui comme vous sçavez, eſt toute couverte de Palmiers, d’une