Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/384

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beauté admirable, & d’une hauteur prodigieuſe ; eſtoit remplie de Troupes : mais de Troupes armées avec une magnificence eſtrange. De cent pas en cent pas, nous trouvions des Ares de Triomphe eſlevez, ſous leſquels paſſoit le Char de la Princeſſe : & ſur leſquels il y avoit des Inſcriptions, qui luy eſtoient glorieuſes. Tous ces Arcs eſtoient ſuperbes : & l’on ne voyoit rien qui ne parlaſt de Grandeur & de joye.

A deux ſtades de la Ville, le Prince des Saces qui eſtoit admirablement beau, & de bonne mine, ayant un habillement tres riche, & eſtant monté ſur un cheval Iſabelle à crins noirs, vint à la teſte de mille chevaux, preſenter à la Princeſſe, de la part du Roy, de grandes Cleſſ d’or, dans une Corbeille de meſme metal, enrichie de Topaſes & d’Amethiſtes. Madame, luy dit il en les preſentant, le Roy m’a commande de vous obeir : & de vous offrir de ſa part, ce que luy ſeul vous peut donner. Seigneur, reſpondit la Princeſſe (car on l’advertit de la condition de Mazare) ſi en me preſentant les Clefs de Babilone, vous m’aſſurez qu’il me ſera permis d’en faire des demain ouvrir les portes, pour m’en retourner à Themiſcire, ou pour aller à Ecbatane, je les accepteray ſans doute, & vous ſeray eternellement obligée de me les avoir offertes. Mais ſi cela ne doit pas eſtre (pourſuivit elle, avec une melancolie charmante, qui ne luy déroboit rien de ſa beauté) il me ſemble qu’il y a quelque injuſtice, & meſme quelque inhumanité, de vouloir que je garde moy meſme les Clefs de ma priſon. Ainſi, Seigneur, juſques à tant que cela ſoit determiné par le Roy d’Aſſirie, gardez ce que vous m’avez voulu offrir, comme ne pouvant eſtre en de meilleures mains que les voſtres. Mazare ſurpris &