Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/393

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repliqua-t’il, comme d’un homme qui à ce que je voy, m’a vaincu plus d’une fois : mais beaucoup plus cruellement dans voſtre cœur, qu’il n’a fait les aimes à la main. Ouy Madame, cét Artamene que j’ay touſjours haï, & que vous m’avez autrefois commandé d’aimer, eſt certainement celuy qui s’oppoſe à ma gloire & à mon bonheur : & vous ne me commandiez ſans doute, que ce que vous faiſiez vous meſme. Comme je n’ay point eu d’injuſtes ſentimens, reſpondit la princeſſe ſans s’émouvoir, je ne vous nieray point que je n’aye eu, & que je n’aye encore beaucoup d’amitié pour Artamene : & vous n’ignorez pas que je luy ay aſſez d’obligation, pour ne le pouvoir haïr. Ces obligations, repliqua ce Prince violent, n’auroient jamais porté la Princeſſe Mandane, à avoir une affection particuliere & ſecrette pour un ſimple Chevalier : ſi ſon cœur n’avoit eſté touché d’une inclination bien forte. Ce ſimple Chevalier dont vous parlez, reprit la Princeſſe en colere, paroiſſoit eſtre autant que Philidaſpe en ce temps là : & ſera peut-eſtre beaucoup davantage un jour, tout Roy d’Aſſirie qu’eſt ce Philidaſpe. Il ne faut pas attendre plus long temps, reſpondit il, car puiſqu’Artamene poſſede voſtre affection, je le tiens beaucoup au deſſus de tous les Princes de la Terre, quand meſme il ne ſeroit que ce qu’il a paru eſtre. Vous avez bien de l’orgueil, & bien de l’humilité tout enſemble, reprit la princeſſe, mais apres tout Seigneur, deſacoustumez vous s’il vous plaiſt de me parler imperieuſement, car je ne le sçaurois ſouffrir. Le Roy d’Aſſirie voyant qu’il avoit extrémement irrité la princeſſe, ſe jetta à ſes pieds : & paſſant d’une extréme violence, à une extréme ſoumission. Quoy Madame,