Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Roy d’Aſſirie de cette ſorte, ne douta point du tout qu’il ne sçeuſt quelque choſe de bien particulier, de l’affection d’Artamene : c’eſt pourquoy elle ne jugea pas qu’il faluſt faire une fineſſe d’une amitié innocente. Joint que dans le trouble où le diſcours du Roy d’Aſſirie mettoit ſon ame ; elle creut que peut— eſtre à la fin quand il auroit abſolument perdu l’eſperance d’eſtre aimé, la laiſſeroit il en repos. C’eſt pourquoy prenant la parole, Seigneur, luy dit elle, les Dieux sçavent ſi je ſuis capable d’aucun deguiſement criminel : & l’ingenuité que je m’en vay avoir pour vous, vous le doit aſſez faire connoiſtre. Ha Madame (s’écria alors le Roy d’Aſſirie, qu’elle avoit fait relever malgré luy) ne ſoyez pas aſſez ſincere, pour me dire tout ce que vous penſez d’advantageux pour Artamene : cachez moy pluſtost une partie de ſa gloire : & ne mettez pas ma patience à une ſi rigoureuſe eſpreuve. Je ne sçaurois, luy reſpondit la Princeſſe, vous rien dire que vous ne sçachiez : car enfin toute la Cour de Capadoce a sçeu que j’ay beaucoup eſtimé Artamene : & je vous l’ay dit à vous meſme, du temps que vous eſtiez Philidaſpe. Mais toute la Capadoce a ignoré, ce que je voy bien que vous sçavez, & ce que je m’en vay vous advoüer, qui eſt qu’Artamene eſt de condition égale à la voſtre : & que ſi le Roy mon Pere y conſentoit, l’affection qu’Artamene a pour moy, auroit toute la recompenſe qu’elle merite. Voila Seigneur, les termes où en ſont les choſes : & peut-eſtre en sçavez vous plus preſentement, qu’Artamene luy meſme n’en sçait. Voila Seigneur, encore une fois, cette importante vérité que vous avez deſiré sçavoir : c’eſt à vous preſentement à regler vos deſſeins & voſtre affection pour moy : vous avez de l’eſprit & de la generoſité,