Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/399

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que celuy-là, & d’une humeur auſſi altiere ; ſoit touſjours demeuré dans les termes du reſpect. Au commencement que nous fuſmes à Babilone, toutes les Dames avoient la permiſſion de voir la Princeſſe : & elle en fut ſi cherement aimée, qu’il n’eſt rien qu’elles n’euſſent eſté capables de faire pour la delivrer : n’euſt eſté la paſſion qu’elles avoient qu’elle peuſt ſe reſoudre de devenir leur Reine : de ſorte qu’il n’y avoit pas une femme de qualité, qui ne taſchast par ſon propre intereſt, de rendre office au Roy d’Aſſirie. Neantmoins depuis que ce Prince fut adverty par ſes Eſpions que l’on viendroit bien-toſt à luy, il nous oſta cette liberté : & à la reſerve du Prince Mazare, perſonne ne voyoit plus la Princeſſe, & elle eſtoit gardée fort eſtroitement. La raiſon de cela eſtoit, que le menu Peuple conmençoit de murmurer un peu, de ce que l’on alloit engager toute l’Aſſirie en une guerre injuſte. Nous vivions donc de cette ſorte, c’eſt à dire avec beaucoup de melancolie, & ſans autre conſolation que celle de la converſation du Prince Mazare. Les femmes qui ſervoient la Princeſſe, nous diſoient que tous les jours il arrivoit grand nombre d’Eſtrangers à Babilone, ſans qu’elles sçeuſſent ce que c’eſtoit : car elles n’avoient guere plus de liberté que nous. Bien eſt il vray que nous eſtions en une belle Priſon (ſi toutefois il peut y en avoir de belles) eſtant certain que le Palais des Rois d’Aſſirie eſt la plus belle choſe du monde. Mais ſage Chriſante, je ne ſonge pas que vous le sçavez : & que je parle à des perſonnes qui ont accompagné le Vainqueur de Babilone à toutes ſes Conqueſtes. Je vous diray donc ſeulement, que l’Apartement de la Princeſſe, eſtoit du coſté qui regarde cette grande Plaine qui s’eſtend le long de l’