Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/409

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y faire obeir ; cependant vous y avez commandé abſolument : & je vous y laiſſe meſme la liberté de m’outrager. Et tout cela parce que j’ay une paſſion pour vous qui n’eut jamais d’égale : mais une paſſion reſpectueuse, qui combat elle meſme les plus violents deſirs qu’elle fait naiſtre dans mon cœur, & qui ne me permet rien que de vous adorer. Enfin Madame il faut partir : il faut aller porter le fer Se la flame dans le Camp ennemy : il faut aller au devant d’Artamene : vous le voulez, & il vous faut obeir. Cependant vous prierez icy les Dieux pour ſa victoire & pour ma perte : & je les conjureray ſeulement de changer voſtre cœur. J’ay encore à vous dire Madame, adjouſta t’il, que quand vous m’aurez veû partir, ſi par hazard l’image de tant de malheurs que vous allez cauſer, vous oblige à vous repentir d’une reſolution ſi injuſte, vous ſerez touſjours en eſtat de faire ceſſer la guerre. Vous n’aurez qu’à m’envoyer le moindre des voſtres : & qu’à m’eſcrire ſeulement ce motEſperez, & au meſme inſtant Madame, quand je recevrois ce glorieux Billet au milieu d’une Bataille ; que j’aurois le bras levé pour tuer Artamene ; & que la victoire me ſeroit preſque aſſurée : je vous promets inexorable Perſonne, de faire ſonner la retraite ; de fuir devant mes Ennemis ; & de revenir à vos pieds, chercher dans vos yeux la confirmation de cette agreable parole.

Pendant que ce Prince parloit ainſi, Mandane eſtoit ſi accablée de douleur, qu’elle ne l’entendit, preſque point : & elle s trouva meſme ſi foible, qu’elle fat contrainte de s’aſſoir ſur des Quarreaux qui eſtoient aupres du Balcon : de ſorte que le Roy d’Aſſirie voyant qu’il ne la pouvoit