Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/408

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Les Dieux Madame, reſpondit ce Prince, ne vous ont pas donnée à la Terre, pour vous en retirer ſi toſt : & je veux eſperer que ſi je reviens vainqueur, vous changerez de ſentimens pour moy. Si je vous voy victorieux, reprit la Princeſſe, le bruit de voſtre victoire, n’aura pas devancé voſtre retour : car ſi je la sçay devant, ma mort devancera le jour de voſtre Triomphe. Mais Madame, que voulez vous que je face ? adjouſta ce Prince, les choſes en ſont venües au point, que je ne puis vivre ſans vous ; que je ne puis ſouffrir qu’Artamene vive tant que vous l’aimerez, & que vous n’aimerez point le Roy d’Aſſirie. Mais Madame, vous aimez mieux que toute l’Aſie periſſe : & ce qui vous y porte, eſt que parmy la crainte qui vous poſſede, il vous reſte quelque eſpoir que je periray avec elle : Ouy Madame, je lis dans voſtre cœur cette ſecrette joye qui ſe meſle à vos douleurs : & malgré cela je vous reſpecte, je vous aime, & je vous adore. Jugez Madame, s’il y a de la comparaiſon entre l’amour qu’Artamene a pour vous, & celle que j’ay : car enfin il ſe voit aimé, de la plus belle Perſonne de toute la Terre : quelle merveille y a t’il donc qu’il ſoit fidelle, pour une illuſtre Princeſſe, qui mépriſe tout ce qu’il y a de plus Grand au monde pour luy, & qu’on luy voye aimer, ce qui l’aime ſi tendrement ? Pour connoiſtre la difference qu’il y a entre Artamene & moy, ſaignez Madame de le mépriſer, comme vous me mépriſez : traitez le comme vous me traitez : & ſi apres cela il vous aime comme je vous aime, j’advoueray qu’il a plus de droit que moy à voſtre affection. Vous sçavez Madame, que je ſuis Maiſtre dans Babilone : & ou ainſi j’euſſe pû trouver les moyens de m’