Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/412

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de pitié, avoit un peu troublé ma raiſon : car ſoit que je conſidere le Roy d’Aſſirie comme le Rauiſſeur de Mandane, comme l’Ennemy du Roy des Medes ; comme celuy d’Artamene ; ou comme le Tiran de mon Païs, j’ay deû faire ce que j’ay fait. Apres tout, Artamene eſt dans la meſme Armée où eſt mon Pere : il luy a deſja ſauvé la vie, il fera encore la meſme choſe : & il faut eſperer, veû la juſtice de leurs Armes, queles Dieux les protegeront, & les conſerveront l’un & l’autre. Mais Chriſante, à peine la Princeſſe penſoit elle avoir trouvé quelque repos, par un raiſonnement ſi juſte, que la veüe de ce grand Corps d’Armée, renouvelloit toutes ſes douleurs : Madame, luy diſois-je, ne regardez plus des Troupes qui vous affligent ſi fort : ou ſi vous les voulez regarder, regardez les comme devant ſervir de matiere à la gloire du Roy voſtre Pere, & à celle d’Artamene. Ha ma chere fille ! s’eſcria t’elle, qui sçait ſi parmy ceux que je regarde, je ne voy point le meurtrier de mon Pere, ou celuy d’Artamene ?

Enfin Chriſante, je l’arrachay par force de là, & la fis repaſſer dans une autre Chambre : Cependant nous sçeuſmes que le lendemain l’Armée partiroit : & ce jour la meſme le Roy d’Aſſirie aprit, que par une invention. prodigieuſe que vous n’ignorez pas puis que vous y eſtiez, l’Armée de Medie avoit paſſe la Riviere du Ginde : & avoit pouſſe quelques Troupes qui eſtoient de l’autre coſté. Il partit donc en diligence, & fit marcher toute ſon Armée : le Privée Mazare par un ſentiment d’honneur, euſt bien voulu l’accompagner : A mais le Roy d’Aſſirie ne voulut jamais confier la garde de Babilone, & celle de la Princeſſe qu’à luy, de ſorte qu’il le conjura de demeurer : & je ne sçay ſi