Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/413

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malgré le grand cœur de ce Prince, un ſentiment d’amour ne fit pas qu’il en fut bien aiſe. Le Roy d’Aſſirie voulut meſme que les Troupes du Prince des Saces, de meuraſſent dans Babilone : afin que ſi le Peuple qui murmuroit fort de j’injuſtice de cette guerre, vouloit remuer en ſon abſence ; il y euſt des Troupes Eſtrangeres pour le tenir en ſon devoir. Mais ce qu’il y eut d’admirable, fut que le Roy d’Aſſirie auparavant que de quitter le Prince Mazare, le tira à part : & l’eſprit fort inquiet & fort troublé, luy parla à peu prés en ces termes. Vous voyez mon cher Mazare, qu’Artamene mene eſt toujours heureux & toujours invincible : il a paſſé un fleuve en huit jours, qui le devoit arreſter une année entiere : il a fait ce qui n’eſt permis de faire qu’aux Dieux ſeulement : & ſi je ne me trompe, la Fortune ne l’aura pas tant favoriſé pour l’abandonner apres. Ce n’eſt pas que je ne sçache que mon Armée eſt d’un tiers plus forte que celle du Roy des Medes : Mais apres tout, je puis pourtant eſtre vaincu, & je puis meſme mourir en cette occaſion. Ainſi pour vous conſoler de la douleur que vous avez d’eſtre contraint par mes prieres, de ne vous y trouver pas, je veux mon cher Mazare vous en faire une autre, ou voſtre grand cœur trouvera de quoy eſtre ſatisfait. Sçachez donc que dans la paſſion démeſurée que j’ay pour la Princeſſe Mandane, je ſuis effroyablement perſecuté de la cruelle penſée qui me vient, que ſi je meurs, la Paix ſe faiſant, Artamene jouïra en repos de l’affection de Mandane : promettez moy donc je vous en conjure, que ſi je peris, vous combatrez Artamene, & ne rendrez jamais la Princeſſe au Roy ſon Pere, que ce trop heureux Rival ne ſoit mort. Promettez le moy je vous en prie : mais promettez