Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/419

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fois, adjouſta t’il, & je vous le dis encore : Artamene ne vous poſſedera jamais, tant que je ſeray vivant : & Artamene ne me vaincra pas ſans peril, quelque brave & quelque heureux qu’il puiſſe eſtre. Mais Seigneur, luy dit la Princeſſe, eſt il poſſible que vous ne conceviez pas que les Dieux ſont contre vous ? Mais inhumaine Princeſſe, reprit il, eſt il poſſible que vous ne conceviez pas auſſi, que vous eſtes la ſeule cauſe de la guerre, & que vous eſtes la plus cruelle Perſonne du monde ? Car enfin par quelle voye peut on toucher voſtre cœur ? Quand je parlay la derniere fois à vous, je diſois eu moy meſme pour vous excuſer, que les Ames extrémement Grandes, ne ſe laiſſoient pas fléchir les armes à la main : & que vous parlant preſque à la Telle de deux cens mille hommes, vous aviez trouvé quelque choſe de beau à me reſister. Mais aujourd’huy que je viens à vous, vaincu, bleſſe, & malheureux ; advoüez la verité, n’y a t’il pas quelque choſe d’inhumain, de cruel, & de barbare, de ne me regarder pas du moins avec quelque compaſſion ? Les Dieux sçavent Seigneur, repliqua la Princeſſe, ſi j’aime la guerre : & ſi je ne voudrois pas que la paix fuſt par toute l’Aſie. Mais apres tout, je ne puis y contribuer que des vœux ; & je ne ſuis point à moy pour en diſposer. Ma volonté dépend de celle du Roy mon Pere : & mon affection eſt une choſe que je ne puis oſter apres l’avoir donnée. Ha Madame, interrompit le Roy d’Aſſirie, n’en dites pas davantage : au nom des Dieux ne me deſesperez pas abſolument : car je vous advoüe que je crains que la raiſon ne m’abandonne : & que le reſpect que je veux conſerner pour vous juſques à la mort, ne me quitte malgré moy. Ne me parlez donc point, quand vous ne