Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/420

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me pourrez dire que des choſes inſuportables : Cependant, dit il en s’en allant. puis que mon ſang meſlé avec mes larmes ne vous touche point ; & que meſme le Roy d’Aſſirie vaincu, ne vous eſt-pas un objet agreable, il faut vous laiſſer en repos, de la victoire d’Artamene. En diſant cela il ſortit de la chambre de la Princeſſe, & fut ſe mettre au lict, apres avoir donné quelques ordres neceſſaires, & pour les Troupes qui ſe ſauveroient de la déroute de ſon Armée, & pour la conſervation de la Ville. Car encore que la bleſſure qu’il avoit reçeve ne fuſt pas conſiderable ; neantmoins ayant aſſez perdu de ſang, elle l’avoit un peu affoibly : quoy qu’il euſt eſté penſé la derniere fois, à un Bourg qui n’eſt qu’à douze ſtades de Babilone. Je vous laiſſe à juger Seigneur, quelles differentes penſées eſtoient celles de la Princeſſe : & quelle impatience elle avoit de sçavoir bien preciſément tout ce qui eſtoit arrivé : mais il ne nous fut pas poſſible d’en eſtre pleinement eſclaircies. Nous sçeuſmes bien que le Roy d’Aſſirie apres avoir eſté vaincu, ayant aprehendé qu’il n’y euſt quelque ſedition dans Babilone, eſtoit venu en diligence, afin de pouvoir devancer le bruit de ſa deffaite : mais quelques demandes que nous fiſſions, nous ne peuſmes sçavoir que fort confuſément, les particularitez de la Bataille. Cependant l’on nous reſſerra plus eſtroitement qu’auparavant : l’on nous changea meſme d’Apartement, voulant ſans doute priver la Princeſſe de la conſolation qu’elle euſt eüe de voir arriver l’Armée victorieuſe du Roy ſon Pere. Je ne vous exagereray point davantage, le deſespoir du Roy d’Aſſirie : & quelle irreſolution avoit eſté la ſienne, en arrivant à Babilone, de sçavoir s’il verroit la Princeſſe,