Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/43

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toutes choses fussent prestes pour recevoir les Ennemis. Il y avoit bien desja un Corps d’Armée assemblé, dans la Plaine de Cerasie ; mais selon les apparence, il n’estoit pas en estat de pouvoir resister aux Rois de Pont & de Phrigie, bien qu’il fust assez avantageusement retranché. Voila donc Artamene contraint de partir ; & de partir sans pouvoir dire qu’il aimoit, ce qui ne luy fut pas un petit desplaisir. il fut prendre congé de la Princesse, avec beaucoup de précipitation : parce qu’il estoit venu un second advis, qui assuroit que l’Armée de Ciaxare alloit estre enfermée entre celle du Roy de Pont, & un puissant secours de Phrigie, qui devoit arriver dans peu de jours. Si bien que mon Maistre ne pouvant tarder un moment, de peur d’arriver trop tard, fut contraint de partir en tumulte ; & de renfermer toute sa passion dans son cœur. Il en parut toutefois encore assez dans ses yeux ; & il en tesmoigna assez par sa douleur, pour faire que la Princesse s’en aperçeust. Allez Artamene, luy dit elle en luy disant adieu, soyez aussi heureux que vous l’avez esté : & si vous voulez obliger le Roy mon Pere, ne songez pas plus à la perte de ses Ennemis, qu’à la conservation de vostre vie Mandane luy dit cela devant tant de monde, qu’Artamene n’osay respondre, que comme tout autre que luy y eust respondu ; c’est à dire avec beaucoup de respect & de reconnoissancc : & il la quitta, sans s’expliquer que par des regards dérobez, & par des souspirs qu’il retenoit, aussi tost qu’ils estoient poussez. Pour Philidaspe, il ne partit pas en mesme temps : car il devoit commander des Troupes qui n’estoient pas encore prestes. Mon Maistre s’en alla donc, accompagné de toute la jeunesse de la Cour, qui le voulut suivre en une occasion, qui selon les apparences, devoit estre dangereuse : &