Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/440

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pourtant imaginer à quoy cela pouvoit eſtre propre. Et ſuite l’on amena douze Chevaux blancs, dont les Selles & les Brides l’eſtoient auſſi, ſur l’un deſquels le Roy d’Aſſirie eſtant monté, il voulut qu’on luy donnait la Princeſſe, mais elle ne le voulut pas ; & dans la neceſſité de marcher, elle choiſit pluſtost Mazare. Elle fit pourtant encore difficulté d’obeïr ; toutefois le bruit redoubloit de telle ſorte, quoy que nous fuſſions aſſez loing des endroits par où l’on attaquoit la Ville ; que la crainte de tomber en la puiſſance d’un Peuple inſolent, fit qu’enfin elle ſouffrit que Mazare euſt le ſoing de ſa conduite. Deux hommes de qualité d’entre les dix qui accompagnoient ces Princes, nous prirent Arianite & moy : & le flambeau ayant eſté eſteint, la porte des Jardins eſtant ouverte, nous marchaſmes droit à celle de la Ville, qui comme je l’ay deſja dit eſtoit tout contre. Là, le Roy d’Aſſirie & Mazare commanderent tout bas à un Capitaine qui eſtoit à cette Porte, d’aller en diligence advertir tous les Princes & tous les Gens de guerre, qu’ils ne ſongeassent plus à rendre de combat, puis que la Ville eſtoit perduë : & que chacun ſe ſervant de l’obſcurité de la nuit, taſchast de ſe ſauver comme eux, & de ſe ſervir de la commodité de cette Porte. Nous ne fuſmes pas à douze pas des Murailles, que le Roy d’Aſſirie qui alloit un peu devant, ſe mit à marcher lentement, de peur que les pieds des chevaux ne fiſſent du bruit : craignant bien plus les oreilles que les yeux de ceux que nous pourrions rencontrer. Car Chriſante, ce qui rendoit cette entrepriſe fort ingenieuſe, c’eſt que le Prince Mazare ayant conſideré que toute la Campagne eſtoit couverte de neige ; & qu’à cauſe d’un