Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/448

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me reſte preſque plus nulle autre douceur à eſperer en la vie, que celle de taſcher de rendre Artamene auſſi infortune que moy, quoy que ce ſoit d’une maniere differente. L’Oracle me fait eſperer, mais Mandane me deſespere : & la Fortune qui ſe plaiſt à renverſer tous mes deſſeins, me réduit en une extrémité, qui vient à bout de toute ma patience, & de toute ma raiſon. Ce que je veux donc faire, pourſuivit ce Prince deſesperé, c’eſt de tenir ce qu’il y a de Galeres & de Vaiſſeaux dans ce Port en eſtat de les mettre en mer : afin que des que je verray paroiſtre l’Armée de Ciaxare, à laquelle je ne sçaurois reſister, je m’embarque avec la Princeſſe & Aribée : & l’enleve à la veüe meſme d’Artamene. Mais que deviendrez vous ? luy reſpondit Mazare fort affligé : Je n’en sçay rien, repliqua le Roy d’Aſſirie : mais apres tout, ſi tous les Princes mes Alliez, me refuſent un Azile dans leurs Eſtats, je feray pluſtost Pyrate, que de rendre jamais la Princeſſe à Artamene. Ouy Mazare, je periray mille fois pluſtost : & ſi je me voyois pourſuivy en mer par Artamene (ce qu’il ne sçauroit faire preſentement, n’ayant point de Vaiſſeaux pour cela) je briſerois pluſtost celuy où je ſerois contre un Eſcueil, que de me laiſſer prendre, & de luy redonner la Princeſſe. Auſſi bien faut il que je ne m’eſloigne pas de Mandane : & que j’attende aupres d’elle, ce que l’Oracle m’a promis. Pour vous, luy dit il, mon cher Mazare, il n’eſt pas juſte que vous vous engagiez davantage dans mon malheur : & quand vous le voudriez, je ne le ſouffrirois pas. Ainſi retirez vous aupres du Roy voſtre Pere, & taſchez d’eſtre plus heureux que je ne le ſuis. Mazare ſe trouva alors fort embarraſſe : il ne pouvoit ſe reſoudre de laiſſer