Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/472

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faire, pour l’amour d’elle ſeulement : & que je ferois touſjours, quand meſme j’aurois la certitude d’en eſtre eternellement haï. Mais Pharnabaſe, dans la joye que j’ay d’avoir en ma diſposition un threſor que je prefere à l’Empire de toute l’Aſie ; il ſe meſle encore une douleur bien ſensible, & bien bizarre tout enſemble : puis qu’elle fait preſque que je m’afflige du malheur d’un Rival. Car enfin j’ay sçeu par un de ceux qui ſont eſchapez de ce naufrage, que la Princeſſe a touſjours mal traité le Roy d’Aſſirie : & que dans la premiere Ville du monde, il n’a jamais pû la fléchir. Que voulez vous donc que je puiſſe eſperer ? moy qui ne luy puis plus offrit ny Sceptre, ny Couronne ; & qui n’ay plus que mon cœur en ma puiſſance, qu’elle a ſi ſouvent refuſé. Ha ! Pharnabaſe, j’ay bien entendu dire que l’ambition ſert quelquefois à l’amour : que des Couronnes & des Sceptres touchent les cœurs les plus inſensibles : Mais je ne penſe pas qu’un Prince deſpoüillé de ſes Eſtats, & qui ne peut offrir que le partage de ſes malheurs, ſoit en termes de faire de grands progrés, dans l’eſprit de la Princeſſe Mandane. Pour moy, adjouſta Pharnabaſe, il me ſemble Seigneur, que vous vous pleignez d’une avanture, dont vous devriez vous reſjoüir : puis qu’en l’eſtat que ſont les choſes, ſi vous rendez la Princeſſe Mandane au Roy ſon Pere, je ſuis aſſuré que la meſme Armée qu’il avoit deſtinée à la reprendre dans Babilone ; & que ces Gens eſchapez du naufrage diſent eſtre preſentement en Capadoce, ſera employé à reconquerir voſtre Eſtat : & je ſuis aſſuré encore, que cét Artamene dont vous m’avez tant parlé, ne vous refuſera pas cette eſpece d’aſſistance. Je l’advouë Pharnabaſe, repliqua ce Prince, & je ſuis perſuadé qu’il ſeroit plus