Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/476

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luy aydaſſe à vous tirer de la puiſſance du Roy d’Aſſirie : Mais preſentement le ſujet de mon voyage eſt changé. Vous pouvez continüer ce voyage encore plus agreablement, interrompit Mandane, car enfin m’ayant retirée de la puiſſance de la mort, vous avez fait vous ſeul, ce que vous n’euſſiez fait qu’avec deux cens mille hommes : quand vous m’euſſiez delivrée d’entre les mains du Roy d’Aſſirie. Ainſi Seigneur, vous arriverez au Camp de Ciaxare comme un Prince qui aura fait, ce qu’une puiſſante Armée n’a pû faire. Ouy Madame (reſpondit il en ſe mettant à genoux, malgré la reſistance qu’y fit la Princeſſe. ) Mais sçavez vous bien qui je ſuis ? Et pouvez vous croire ſi vous le sçavez, que la perte de deux Royaumes, m’ait fait changer de ſentimens pour vous ? Je croy Seigneur, repliqua la Princeſſe, que ſi vous m’avez eſtimée, vous m’eſtimez encore : & je croy auſſi que vous devez raiſonnablement penſer, que ſi vous n’avez pas changé, je n’ay pas non plus deû changer : & que je ſuis la meſme Perſonne que j’eſtois. Quoy Madame, reprit il, vous ſeriez touſjours inſensible, & touſjours inexorable ? Et les Dieux permettroient que je ne vous euſſe reſſuscitée, que pour me faire mourir plus cruellement ? J’advoüe Seigneur, reſpondit la Princeſſe en ſe relevant à demy, que je vous dois la vie : Mais ſi vous ne me l’avez rendüe que pour me perſecuter, c’eſt un bien que je vous permets de m’oſter quand il vous plaira. Non Madame ; repliqua t’il, vous ne le perdrez jamais par cette voye : & voſtre vie eſt une choſe que je deffendray toujours au peril de la mienne. Seigneur, reſpondit elle, ne vous imaginez pas qu’il n’y ait que le feu, le fer, & le poiſon, qui puiſſent