Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/480

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vous vaincre, que mes larmes, mes ſoupirs mes prieres, & ma perſeverance. Ne craigne donc partant de vous voir engagée dans ma fortune : & croyez que ſi je ne puis rien obtenir par cette innocente voye, vous recouvrerez bien toſt la liberté par la fin de ma vie. Quoy Seigneur (repliqua la Princeſſe, les yeux tous couverts de larmes) je ne dois recouvrer la liberté que le jour de voſtre mort ! Eh de grace, ne me forcez pas à la deſirer : c’eſt une choſe que je n’ay jamais faite à mes plus mortels Ennemis : & que je ferois bien aiſe de ne faire pas pour un Prince qui a de fort bonnes qualitez ; qui m’a ſauvé la vie ; & qui n’abandonne ſans doute la vertu, que pour me perſecuter. De plus Seigneur, en quelque lieu de la Terre que vous me puiſſiez conduire, le Roy mon Pere vous y pourſuivra : & Artamene de qui la valeur ne vous eſt pas inconnüe, vous fera peut-eeſtre faire par contrainte, ce que vous pouvez faire de bonne grace. Si je le pouvois Madame (repliqua ce Prince, avec une action tres paſſionnée) je le ferois ſans doute, & j’aurois meſme prevenu vos prieres & vos menaces. Mais divine Princeſſe, je ne le puis : & tout ce qui demeure en ma puiſſance, eſt de vous dire que ſi vous voulez que je me jette dans la Mer, ou que je paſſe mon eſpée au travers du cœur que je vous ay donné, je le feray à l’inſtant meſme, & vous l’aiſſeray en liberté par ma mort. Les Dieux, repliqua la Princeſſe, ne voulant pas que l’on empeſche un crime par un autre crime, je ne vous conſeilleray pas de mourir de cette ſorte : Mais Seigneur, je vous ſupplieray avec toute l’affection dont je ſuis capable, de ne me rendre pas malheureuſe, en vous rendant criminel : & de