Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/481

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ne meriter pas par une injuſtice efroyable, les infortunes qui vous ſont arrivées. Ce Prince qui vit que tout ce qu’il pourroit dire, ne feroit qu’irriter la Princeſſe, ſe leva ; & la ſalüant avec beaucoup de reſpect, Nous verrons Madame, luy dit il, ſi les Dieux changeront mon cœur : ou ſi la pitié de mes maux changera le voſtre.

Apres cela, ſans luy donner le loiſir de reſpondre il ſortit de ſa Chambre : & un moment apres Orſane y entra : qui ne sçachant pas ce que le Roy de Pont avoit dit à la Princeſſe, venoit nous advertir de ce qu’il avoit entendu. Mandane l’en remercia : & l’aſſura que le crime de ſon Maiſtre ne l’empeſcheroit pas de le ſervir ſi elle revenoit en eſtat de le pouvoir faire. Mon Maiſtre Madame, luy dit il, avoit pour vous une paſſion ſi reſpectueuse, que s’il ne fuſt pas mort, il auroit aſſurément reparé ſon crime : & ſi je ne me trompe, nous n’avons fait naufrage, que parce qu’il a voulu vous obeïr, & faire changer de route à la Galere. Si cela eſt, repliqua la Princeſſe, les Dieux vous l’auront peut-eſtre conſervé : Mais quoy qu’il en ſoit Orſane, ſi j’ay beſoing de voſtre ſecours, je croy que vous ne me le refuſerez pas. Vous pouvez vous en aſſurer Madame, reſpondit il, & commander meſme les choſes les plus difficiles, ſans craindre d’eſtre un homme plus officieux au monde que celuy là, ny guere de plus entendu : auſſi eſt-ce par ſon moyen, que j’ay eſté inſtruite d’une partie des choſes que je vous ay racontées. Orſane eſtant ſorty, la Princeſſe ſe plaignit de ſes malheurs : & Arianite commença de ſe repentir de les luy avoir cauſez. Mais avec une douleur ſi ſensible, qu’elle en perdit preſque la raiſon : car