Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/50

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Tant y a Seigneur, que tout ce qu’Artamene proposa fut aprouvé, & fut suivy. Il envoya quelques-uns des siens battre l’estrade du costé que l’Armée de Phrigie devoit venir : & sçachant de certitude, qu’elle arriveroit le soir mesme à trente stades du lieu où il estoit campé, aussi tost que la nuit commença de paroistre, il fit marcher toute son Armée sans Trompettes & sans bruit : & ne laissa dans son Camp que la Garde avancée, tous les Valets, & ceux qui ne pouvoient combattre : leur ordonnant qu’aussi tost qu’il seroit un peu esloigné, ils allumassent grand nombre de feux, pour abuser les Ennemis ; & pour oster tout soupçon de son entreprise au Roy de Pont. Je demeuray donc, Seigneur, en ce lieu-là malgré moy : avec un commandement absolu d’Artamene, si je ne le voyois pas revenir le matin, de m’en aller en diligence à Sinope, m’aquitter de ma commission. Ce n’est pas, Seigneur, comme vous pouvez penser, qu’un Camp où il n’y avoit presque personne, fust un lieu de grande seureté : mais enfin Artamene creut que son dessein reüssiroit : & que si cela n’estoit pas, je me pourrois sauver facilement, pourveû que je me retirasse aussi tost que je sçaurois sa mort.

Cependant, Seigneur, quoy que je ne suivisse point mon Maistre, je ne laissay pas de sçavoir tout ce qui se passa en cette dangereuse occasion : Mais pour n’oublier rien de ce que j’en ay veû ; je vous diray qu’auparavant que de partir, Artamene voulant donner cœur aux Officiers & aux Soldats ; les flatta ; les loüa ; & leur promit recompense. C’est icy, leur dit-il, mes Compagnons, qu’il est necessaire de vous souvenir de vostre ancienne vertu, : & du commandement que je vous fais, de combattre avec autant d’ardeur, que si toute