Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à celles qui ſe plaignoient de luy, en fit la guerre à Philoxipe : & luy dit que l’amour eſtoit une paſſion, qui adouciſſoit toutes les autres : & qui meſme les ſurmontoit quelques fois. Que pour luy, il advoüoit qu’il ne l’avoit jamais voulue combattre de toutes ſes forces dans ſon cœur : & qu’il ne penſoit pas qu’il fuſt honteux d’en eſtre vaincu une fois en ſa vie. Philoxipe pour ſe deffendre, diſoit qu’il aimoit toutes les belles choſes ; que ſon ame avoit de la paſſion pour tous les beaux objets : & que perſonne n’avoit jamais tant aimé que luy, Mais apres tout malgré ſes amours univerſelles, il n’y avoit pas une Belle en toute la Cour, qui peuſt ſe vanter en ſon particulier, d’avoit embrazé ſon cœur : & peut-eſtre pas une auſſi qui n’euſt conſulté ſon Miroir plus d’une fois, pour sçavoir par quel innocent artifice, cét illuſtre cœur pouvoit eſtre pris. Mais enfin apres un aſſez long ſejour, Solon partit charmé de la vertu de Philoxipe : il fit meſme des Vers à ſa loüange, auparavant que de s’embarquer pour aller en Egypte : & celuy qui eſtoit loüé de toute la Grece, loüa hautement un Prince extrémement jeune : dit pluſieurs fois que la Nature avoit apris à Philoxipe en dixhuit ans, ce que l’Art ne pouvoit enſeigner en un Siecle : & que l’on voyoit en luy par un prodige, tous les âges de l’homme s’aſſemblez : c’eſt à dire l’innocence de l’Enfance ; les charmes de la Jeuneſſe ; la force d’un âge plus avancé ; & la prudence de la Vieilleſſe.

Philoxipe apres ſon départ, fut un peu melancolique : en ſuitte de quoy ce leger chagrin s’eſtant diſſipé, il donna quelque temps aux voyages : & fut voir non ſeulement toute la Grece, mais encore la fameuſe Carthage : qui eſtoit