Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/510

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alors en guere avec les Maſſiliens : qui habitent en un lieu qu’ils ont rendu fameux en peu de temps, par une celebre Academie, où l’Eloquence & la Science Greque, ſont enſeignées admirablement. Je ne vous diray point les belles choſes qu’il fit en Afrique, ny tout ce qu’il luy arriva pendant ſon voyage : qui dura juſques à quelques mois auparavant que vous vinſiez en Chipre : où Solon fit de nouveau quelque ſejour, ſans vouloir preſque eſtre veû de perſonne : Mais je vous diray que Philoxipe à ſon retour à la Cour, charma encore tout le monde : & que le Roy luy meſme vint à l’aimer ſi tendrement, que jamais faveur n’a eſté ſi grande que la ſienne : & pourtant ſi peu enviée, Auſſi ne s’en ſervoit il que pour la gloire de ſon Maiſtre, & pour faire du bien à tous ceux qui l’aprochoient : il ne recevoit nuls bienfaits, que pour en enrichir ceux qui en avoient beſoin : il ne donnoit que de bons conſeils ; il ne rendoit que de bons offices ; & de cette ſorte, il eſtoit en faveur aupres des Grands & aupres des Peuples comme aupres du Prince : & il n’y avoit que nos Dames qui l’accuſoient touſjours d’inſensibilité. Il vivoit donc de cette maniere parmy les plaiſirs, & dans la plus belle, & la plus galante Cour du monde, ſans envie, ſans amour, & ſans chagrin. Cependant le Roy ne fut pas ſi heureux que luy : car apres avoir eu diverſes paſſions paſſageres, qui n’avoient pas laiſſé de luy donner beaucoup de ſoings, & meſme aſſez d’inquietude ; il devint fort amoureux de la Princeſſe Aretaphile : qui certainement a une beauté éclatante, & cent bonnes qualitez : mais qui parmy tout cela, avoit une ambition extréme : ce qui faiſoit à mon avis, qu’elle n’avoit peut-eſtre pas fait cette illuſtre conqueſte, ſans en avoir eu le deſſein.